LES 20 MOTS DE L’IA FORMATIVE
Le premier agent conversationnel dans l’historiographie de l’intelligence artificielle a été ELIZA en 1966 ( https://dl.acm.org/doi/10.1145/365153.365168 ). Il s’agissait d’organiser un dialogue entre l’homme et la machine à partir d’un protocole informatique. La machine fonctionnait par reconnaissance de formes, la forme en l’occurrence était le mot utilisé par le locuteur. Lorsque la machine reconnaît un mot-clé, elle relance par une question ouverte. Un simulacre ou une simulation de conversation.
Qu’est-ce qui change avec ChatGPT ?
Deux exemples parmi d’autres.
La fenêtre contextuelle, c’est-à-dire la quantité de texte que ChatGPT garde en mémoire pour comprendre le contexte dans lequel les mots sont utilisés et ainsi générés des réponses mieux adaptés à la situation. « Quelle est la qualité de la formation ? » peut se comprendre de bien de la façon : process qualité, efficacité, satisfaction,… c’est essentiel pour les doubles sens : dans une formation serrurier « donner les clés pour comprendre » est soit un acte physique ou soit analogique, le contresens est facile pour la machine. ChatGPT 4o garde en mémoire 4 à 5 000 mots pour la fluidité de la conversation.
Le biomimétisme, la machine copie la mécanique de la conversation humaine au point d’en faire un simulacre de langage naturel. A titre d’exemple, ChatGPT 4o est capable de répondre en moyenne en 320 millisecondes avec des pointes à 232 millisecondes donc très proche de la réaction humaine. Moshi (Kuytai) va même plus loin, dès qu’il a compris le sens de la question, il réponde alors même que la contextualisation humaine ne soit finie. L’engagement de ChatGPT à identifier les émotions pour répondre différemment renforce encore davantage les simulations pédagogiques.
Qu’est-ce que les agents conversationnels changent à la formation ?
Un premier changement est dans la notion même de conversation. La conversation est un art qui a fait les belles heures de la France du 17 et du 18ème siècle. Converser, c’est musarder dans l’échange avec des codes sociaux et assener des mots d’esprit, des punch lines dirait-on aujourd’hui. Musarder, c’est avancer sans but alors que la formation par définition est un chemin pédagogique pour atteindre un but, un référentiel. La conversation ouvre à la curiosité pour que l’apprenant apprend sans orientations pédagogiques. La technique peut être hacker par la pédagogie avec par exemple avec des pratiques comme le nudge apprenant : transmettre en orientant sans vouloir imposer les connaissances et les compétences. L’art de la conversation avec l’IA, c’est apprendre à manier les mots « à l’insu de son plein gré ». Apprendre à parler comme un formateur.
Le second changement, comme le dit Théodore Zelding (L’art de la conversation, 1999), la conversation conduit à une nouvelle socialisation. Si avec l’IA, l’apprenant peut 24 heures sur 24 apprendre, construire ses apprentissages, cela ouvre une nouvelle autonomie des apprenants en supprimant la barrière à l’entrée des savoirs. Le savoir est disponible à chaque apprenant en fonction de ses disponibilités quel que soit le niveau de sa demande. Le nouveau contrat social n’est plus le lien au savoir mais à l’envie d’interroger l’agent conversationnel. Reste une question importante qui doit donner l’envie de se former. Cela, doit-il être le rôle de l’agent conversationnel ou le social ?
L’agent conversationnel pose des questions partiellement techniques, mais fortement pédagogiques et sociales qui dépassent la seule technique. Le vertige technologique évacue la pensée formative qui reste au cœur de ce que l’on veut.
Fait à Paris, le 19 septembre 2024
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