9, PLATON, Phèdre (370 avant JC)

Socrate n’est pas favorable à l’écriture. 

« Elle ne peut produire dans les âmes, en effet, que l’oubli de ce qu’elles savent en leur faisant négliger la mémoire. Parce qu’ils auront foi dans l’écriture, c’est par le dehors, par des empreintes étrangères, et non plus du dedans et du fond d’eux-mêmes, que les hommes chercheront à se ressouvenir. Tu as trouvé le moyen, non point d’enrichir la mémoire, mais de conserver les souvenirs qu’elle a. Tu donnes à tes disciples la présomption qu’ils ont la science, non la science elle-même. Quand ils auront, en effet, beaucoup appris sans maître, ils s’imagineront devenus très savants, et ils ne seront pour la plupart que des ignorants de commerce incommode, des savants imaginaires au lieu de vrais savants”.  

Le pédagogue linguiste Walter Jackson Ong synthétise : l’écriture est inhumaine, l’écriture détruit la mémoire et l’écriture ne réagit pas… 

La vie n’est pas dans l’écriture, l’écriture est un fossile de savoirs, une trace d’un savoir qui n’existe déjà plus, mais qui est encore diffusée, une pensée manufacturée, externe au lecteur.  

C’est la raison pour laquelle Socrate préfère la transmission orale. L’oralité est porteuse de vie, elle donne de la saveur au savoir. 

La parole est le cœur de la pédagogie.  

“Il est encore, je pense, une bien plus belle manière de s’occuper de l’art de la parole : c’est, quand on a rencontré une âme bien disposée, d’y planter et d’y semer avec la science, en se servant de l’art dialectique, des discours aptes à se défendre eux-mêmes et à défendre aussi celui qui les sema ; discours qui, au lieu d’être sans fruits, porteront des semences capables de faire pousser d’autres discours en d’autres âmes, d’assurer pour toujours l’immortalité de ces semences, et de rendre heureux, autant que l’homme peut l’être, celui qui les détient”.  

Le formateur est un jardinier du savoir… de ces savoirs qui laissent grandir la beauté intérieure, cette beauté qui fait l’homme et qui rend “heureux”.  

 Fernando Pessoa propose un aphorisme : “ je pense donc je ne suis pas et je suis d’autant moins que je pense davantage” … l’esprit est ailleurs.  

Le pédagogue Etienne de Condillac parle du “sensualisme de la connaissance”… une résonance hors du langage, une alternative à la rationalité cartésienne… la rationalité sensuelle.   

Socrate est plus que jamais d’actualité pour construire une connaissance vivante.