Le formateur, doit-il être forcément un expert ?

La posture de l’expert et celle du formateur sont souvent considérées ne même nature, à tel point qu’il arrive souvent qu’on les confondre. Ils représentent tous deux une autorité sociale. Peut-on imaginer un formateur qui ne soit pas expert de son domaine ? S’agit-il de la même chose ? Et au fonds, qu’est-ce qui différencie l’expert du formateur ? 

1, Le syndrome des joueurs d’échecs 

Les joueurs d’échecs ont eu la chance d’intéresser les neurosciences, et elles ont ainsi pu démontrer que les meilleurs joueurs d’échecs étaient ceux qui avaient une mémoire énorme, la capacité à garder en mémoire le plus grand nombre de parties. L’expert est celui qui est proche de l’hypermnésie. Autrement dit, est un expert celui qui pratique sa pratique et qui s’en souvient. C’est la fameuse règle des 10 000 heures de pratique qui font d’un néophyte un expert… de musique, de sport, de dessin, … C’est l’entraînement à reproduire encore et encore qui fait l’expertise. 

Jorge Luis Borges racontait l’histoire de Funès, un hypermnésique, et sa conclusion : “je soupçonne cependant qu’il n’était pas très capable de penser. Penser, c’est oublier des différences, c’est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funès, il n’y avait que des détails, presque immédiats”. Trop d’informations nuit à la pensée et la pensée est au cœur de l’innovation.   

L’expert est celui qui reproduit son domaine d’expertise. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est expert, étymologiquement expert veut dire celui reconnu comme expert. Un expert est celui que la société reconnaît comme expert à la différence du génie est celui qui invente sans reproduire au-delà du sens commun. 

2, L’expert, est  ce que la société lui demande d’être 

Albert Einstein a cette belle citation : “tout le monde est un génie, mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est stupide”. 

Tout le monde peut-être un expert, mais pas de n’importe quoi. C’est à la société de dire ce qui fait expertise autrement dit ce qu’elle considère important à un moment donné, quitte à sacrifier les talents du poisson. 

Le social fait l’expertise, et l’expert le social. 

Il est un certificateur, il valide la reproduction sociale. 

3, Le formateur, doit-il être un expert ? 

Si l’expert est un certificateur, le formateur est un transmetteur de connaissances et de compétences. Il est celui qui forme à l’expertise qui peut être définie ailleurs. 

Mais la relation entre l’expert et le formateur n’est pas si simple, car au final, le formateur est aussi un expert, mais un expert de la relation apprenante. 

Le formateur incarne l’expertise, la contagion émotionnelle qui donne de la saveur au savoir, et engage l’apprenant dans la construction de ses propres apprentissages. 

L’organisation de la formation et de l’expertise fait partie de l’ingénierie de la connaissance avec l’articulation de ces deux domaines complémentaires, le contenu et l’accès au contenu. Cette articulation sociale est le garant de l’agilité organisationnelle. 

Fait à Paris, le 26 novembre 2021

@StephaneDiebold